Frida Orupabo, How Fast Shall We Sing
Dans les collages déformés de corps humains de Frida Orupabo, les femmes Noires nous regardent fixement. En subvertissant l’objectification historique dont elles sont victimes, comme d’innombrables autres femmes, elles refusent d’être invisibles. Construite sur un processus minutieux de superposition d’images provenant d’archives numériques, la pratique d’Orupabo suscite un dialogue sur ce qui est vu, et ce qui reste invisible.
Dans son œuvre récente How fast shall we sing (2022), l’artiste explore les récits visuels et littéraires visant à sauver les corps des femmes Noires des histoires de la violence dominantes. Créés à l’échelle humaine, les collages sont composés de corps agrandis
et déformés, réparés avec des membres et des objets aléatoires. Ici, la violence immédiate du collage comme geste de découpage et recadrage devient apparente lorsque nous réalisons que ces images proviennent des profondeurs de l’archive coloniale – chaque corps incarnant le traumatisme, le désir et la survie des corps Noirs. Basée à Oslo, Orupabo a commencé sa vie professionnelle en tant que sociologue, avant de se tourner vers l’art pour explorer les questions de race, de sexualité et de violence. S’inspirant de ses lectures minutieuses d’archives historiques, ses collages remettent en question les images traumatisantes et répétitives véhiculées dans les représentations populaires des femmes Noires. Souvent, ils reflètent les brutalités physiques associées aux agressions sexuelles et aux traumatismes subis par des êtres réels ou fictifs. Cependant, plutôt que de tenter de dissimuler cette violence, ces œuvres évoquent la manière dont le corps se souvient. En révélant la vie sociale des opprimées, elles témoignent d’un savoir silencieux – une compréhension visuelle de l’histoire, qui parle au-delà des mots. À travers ses collages, Orupabo explore des générations de souffrance représentées par un corps singulier, à la fois protagoniste et témoin de l’histoire. Sous la forme d’un témoignage visuel, les collages créent ainsi un espace pour de nouveaux récits, dans lesquels les corps hantés des archives sont mis en lumière.
Osei Bonsu