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Paris

Hikaru Fujii: Les nucléaires et les choses

(for english version, please see below)

Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 au large des côtes nord-est du Japon engendre un tsunami d’une amplitude exceptionnelle. Ces événements naturels, qui ont fait plus de vingt mille victimes, ont provoqué un autre désastre, celui de l’accident nucléaire à la Centrale Fukushima-Daiichi.

Suite à cette triple catastrophe qui a plongé le pays dans une crise sociale, politique et écologique sans précédent, l’artiste et réalisateur Hikaru Fujii a amorcé en 2015 le projet Les nucléaires et les choses prenant comme point de départ et terrain de spéculation, le Musée d’histoire et de folklore de Futaba. Située à quatre kilomètres de la centrale, la ville a été entièrement évacuée et aujourd’hui désignée «zone de retour difficile», dont une partie sera réouverte à la population entre 2020 et 2022.

Afin de prévenir la contamination radioactive, la collection de ce musée (dioramas, objets traditionnels, outils, animaux naturalisés, etc.) a peu à peu été déplacée à l’extérieur de la zone. Personne ne sait si ces collections reviendront un jour à Futaba ou si une autre institution sera en charge de leur conservation et leur exposition. Désormais invisibles et déracinés de leurs lieux d’origine, ces artefacts continuent pourtant de constituer les fondements et la mémoire collective de cette communauté. Ils symbolisent aussi les particularités et la transformation de cette région : le déplacement contraint de sa population et l’impossibilité d’y vivre ou de s’y mouvoir librement encore aujourd’hui. En somme tout ce que la catastrophe a pu « défaire » au sein de ce territoire.

À ce jour la plus large contamination radioactive par un pays capitaliste, l’accident nucléaire de Fukushima a été le déclencheur de changements importants dans la politique énergétique de plusieurs pays. Le Japon a, lui, choisi de se détourner de la coopération internationale dans la gestion de la catastrophe confinée à sa politique intérieure, dans un processus d’invisibilisation et d’oubli. La catastrophe a ainsi peu à peu perdu son potentiel de transformation au sein de la société japonaise, où elle avait pourtant commencé à éveiller des questionnements fondamentaux sur la nature du système socio-économique du pays et les conséquences écologiques du capitalisme.

À travers une dimension collective propre au travail de l’artiste, Les nucléaires et les choses tente d’examiner cette situation et de créer une plateforme de recherche et de dialogue au sein de la communauté japonaise et au-delà. L’exposition à KADIST présente pour la première fois au public une installation vidéo réalisée à partir de différents moments d’expéditions et de recherche en actes captés par l’artiste à Futaba. Elle est construite à partir d’un symposium organisé et filmé par Hikaru Fujii dans la préfecture de Fukushima en octobre 2017, ayant réuni un groupe d’anthropologues, historien.ne.s, expert.e.s en sciences politiques et conservateur.rice.s de musées (du musée de Futaba mais aussi du Musée du mémorial pour la paix à Hiroshima ou du Musée national d’art moderne de Tokyo) autour de questions liées à la mémoire et à la représentation de la catastrophe.

Entremêlant approche documentaire et performative, témoignages et scénarios futurs, les oeuvres d’Hikaru Fujii donnent souvent à entendre des récits alternatifs aux discours dominants. En suivant les trajets de cette collection d’artefacts contaminés par leurs couches d’histoire et les paroles de ceux.elles qui réfléchissent à leur devenir, Les nucléaires et les choses offre un éclairage inédit sur cette catastrophe en cours et nous met face à nos actes dans un « monde abîmé »*.

Les nucléaires et les choses est une exposition proposée dans le cadre de la collaboration entre KADIST et le Musée d’art contemporain de Tokyo (MOT), Japon. Initiée en 2017 par les curatrices Kyongfa Che et Elodie Royer, ce projet réunit des pratiques engagées qui tentent d’inventer de nouvelles modalités de production et de résistance.
Elle est réalisée grâce au soutien de l’Institut Français, Contour Biennale 9, Mechelen, l’École des Beaux-Arts de Paris et Yoshiko Isshiki Office, Tokyo.

*Expression empruntée au titre du n°860-861 de la revue Critique « Vivre dans un monde abîmé », 2019.

 

On March 11, 2011, a magnitude 9 earthquake on the North East coast of Japan generated a tsunami of exceptional force. These natural disasters, which caused more than twenty thousand deaths, provoked another tragedy— the Fukushima-Daiichi nuclear accident.
After this triple disaster that plummeted the country into an unprecedented social, political and ecological crisis, artist and film director Hikaru Fujii initiated this ongoing project that unfolds in KADIST in May 2019, taking the Futaba Town Museum of History and Folklore as a starting point and grounds for speculation. Futaba, situated 4 kilometers from the power plant, was entirely evacuated and still mostly remains as a “Difficult-To-Return zone”. Although small parts of the town are planned to be reopened between 2020 and 2022, it is not known how many residents will return to live.
To avoid radioactive contamination and biological damage, the museum collection (dioramas, traditional objects, tools, taxidermied animals, etc.) was removed little by little from the area. It is unknown if these collections will ever return to Futaba, or if another institution will take charge of conserving and exhibiting them. Now invisible and uprooted from their place of origin, these artefacts nevertheless continue to represent the foundations and collective memory of this community. They symbolize the particularities and transformation of the region: the forced displacement of its people and the impossibility of living and moving freely there still today. In other words, all of which the disaster could possibly “undo” in the heart of this land. The catastrophe, which put into question the nature of Japan’s infrastructure as well as the ecological consequences of capitalism, has diminished, if not totally lost, its potential for socio-political alterity.
Through the collective characteristic of the artist’s work, Les nucléaires et les choses attempts to examine this situation and create a platform of research and discussion both at the heart of and beyond the Japanese community. The exhibition at KADIST presents for the first time an installation based on various expeditions and active research recorded by the artist in Fukushima. Included is a multi-channel video installation edited from a symposium organized and filmed by Fujii in Iwaki city, Fukushima in collaboration with the Fukushima Museum in October 2017. It convened a group of experts in anthropology, archaeology, political science and history, as well as (former) museum curators from the Futaba Town Museum of History and Folklore, Hiroshima Peace Museum, and the National Museum of Modern Art Tokyo, among others, to discuss ideas linked to the memory and representation of the catastrophe.
Intertwining a documentary and performative approach, testimonials and future scenarios, the works of Hikaru Fujii reveal a story more complex than its dominant version. Following the journey of this collection of artefacts, contaminated by their layers of history, as well as the ideas of those who imagine their future, Les nucléaires et les choses sheds a new light on this ongoing catastrophe, confronting us with our actions on this “damaged planet.”[1]
Les nucléaires et les choses is part of the curatorial collaboration between KADIST and the Museum of Contemporary Art Tokyo (MOT), Japan (2017-2020). Initiated by curators Kyongfa Che and Elodie Royer, this collaboration unfolds across a series of three exhibitions based on artistic forms of engagement in contemporary society.
It is realized thanks to the help and support of French Institute, Contour Biennale 9, École des Beaux-Arts de Paris and Yoshiko Isshiki Office, Tokyo.
[1]Expression borrowed from the title of the book Arts of Living on a Damaged Plane, ed.Anna Lowenhaupt Tsing, Heather Anne Swanson, Elaine Gan, and Nils Bubandt,(University of Minnesota Press, 2017).