L'exigence de la saudade
L’exigence de la saudade
Une exposition de Zasha Colah and Sumesh Sharma, Clark House Initiative, Bombay
Avec : Padmini Chettur, Prajakta Potnis et Zamthingla Ruivah
Participation de : Nalini Malani, Krishna Reddy, Jean Bhownagary et Maarten Visser
Intervention dans l’espace public : Justin Ponmany et Prabhakar Pachpute
L’exposition rassemble trois artistes originaires de régions de l’Inde très éloignées les unes des autres : Padmini Chettur pratique la danse contemporaine, Prajakta Potnis est une artiste plasticienne et Zamthingla Ruivah maîtrise l’art du tissage. Leurs œuvres sont conceptuellement inspirées par des formes de culture traditionnelle qu’elles n’essayent pas de sauver de l’oubli mais plutôt de réinventer dans le présent. Ces réinventions naissent d’une nécessité face à l’inquiétude politique ou d’une quête des identités et de leurs représentations. Celles-ci font suite à une violente amnésie culturelle, ressentie pendant de nombreuses années comme une sorte de saudade.
Ces artistes donnent à voir la complexité du subcontinent indien, trop lié culturellement au reste du monde, pour que le sentiment d’appartenance à une même nation puisse surgir. Le mot saudade par exemple, tout comme le nom de « Bombay » (bom baía), rappelle la persistance d’un passé portugais. L’exigence et la saudade, comme tension des contraires, serait cet état de conscience du passé dans le présent qui permettrait de trouver les moyens d’aller de l’avant.
Padmini Chettur a été formée à la danse traditionnelle, ravivée dans les années 1930 après un siècle d’amnésie forcée. Elle déplace cette tradition chorégraphique vers un langage minimaliste, qui traduit visuellement les concepts philosophiques de temps et d’espace au regard de l’expérience contemporaine.
Les installations in situ de Prajakta Potnis sont nourries de ses observations des différents types d’architecture qui composent la ville. L’artiste restitue une histoire des disparités culturelles et des troubles sociaux en accentuant les dégradations des logements. Les fissures du mur, l’effritement de la peinture, font échos au vécu des habitants.
Zamthingla Ruivah perpétue la tradition du tissage du Nord-est de l’Inde, associant des motifs géométriques pour raconter les événements de la communauté. Elle en fait toutefois des objets de lutte lorsque les récits qu’elle met en forme témoignent d’une histoire politique brutale.
Dans l’exposition, ces œuvres entrent en dialogue avec celles d’artistes indiens arrivés à Paris à la suite de Mai 68. Nalini Malani a décrit ce temps vécu à Paris comme « une prise de la conscience ». Elle prête pour cette exposition une œuvre en papier mâché, For the Dispossessed, réalisée en 1971, à partir des pages percutantes du Nouvel Observateur, qui font référence aux réfugiés ayant fui le génocide de la guerre de libération du Bangladesh. Les Manifestants, une sculpture de Krishna Reddy, est un souvenir des étudiants vus depuis sa fenêtre en 1968. La troisième œuvre est un masque en céramique réalisé cette même année à Paris, par l’artiste et magicien Jean Bhownagary.
Certains gestes — en danse, théâtre, magie ou musique — peuvent être proches de ceux des mouvements de protestation et relèvent autant de l’engagement social que de l’art. Clark House Initiative est une structure curatoriale collaborative basée à Bombay qui, avec la Fondation Kadist, développe un projet où s’entrelacent pratiques artistiques et contextes historiques pour envisager les possibilités d’un après.
L’exigence de la saudade
Curated by Zasha Colah and Sumesh Sharma, Clark House Initiative, Bombay
With: Padmini Chettur, Prajakta Potnis and Zamthingla Ruivah
And the participation of: Nalini Malani, Krishna Reddy, Jean Bhownagary, Maarten Visser
Intervention in the public space by: Justin Ponmany, Prabhakar Pachpute
The exhibition brings together three artists from distant geographies within India – Padmini Chettur, a contemporary dancer, Prajakta Potnis, a visual artist, and Zamthingla Ruivah, a master weaver, whose works are conceptually engaged with remnant cultural forms, not as endangered traditions, rather to reinvent them in the present. These reinventions spring from the exigencies of political anguish, or the scouring for identities and representations, after the violence of cultural amnesia, experienced over the numbing of years as a kind of saudade.
These artists create a complex backdrop of the Indian subcontinent, too culturally conjoined with everything else, for any sense of nation to arise. In this word saudade, as in the name ‘Bombay’ (bom baía), is heard the persistence of a Portuguese past. Exigency and saudade, retain the tension of opposites; the consciousness of the past in the present, which permits the envisaging of what is still to come.
Padmini Chettur was trained in a tradition of dance, revived in the 1930s after a century of forced amnesia. She displaces the choreographic tradition to a minimalistic language, which visually translates philosophical concepts of time and space as they relate to contemporary experience. The installation realised in situ by Prajakta Potnis comes from her observation of the different types of architecture that compose a city. Through fissures or peeling walls, she echoes the social imaginary of the people who live within them. Zamthingla Ruivah revives the tradition of weaving, from the north-east of India, to narrate the events of a community. However, the stories she puts into geometric form, testify to a brutal political history.
In the exhibition, the works will be in dialogue with those of certain Indian artists who were living in Paris in May 1968. Nalini Malani described her time in Paris as a ‘prise de conscience’. She lends to the exhibition a small papier mache head, For the Dispossessed made in Paris in 1971, out of the vivid pages of Le Nouvel Observateur, and referencing photographs of refugees fleeing the genocide during the Bangladesh Liberation War. Demonstrators a sculpture by Krishna Reddy, is an eidetic memory of students outside his window in Paris in 1968. The last is a ceramic mask made that year in Paris, by the polymath artist and magician Jean Bhownagary.
Certain gestures – of dance, theatre, magic or music – can come close to those used in protest marches, and fall under social engagement, asmuch as art. The curatorial collaborative Clark House Initiative, based in Bombay, develops a project with Kadist Art Foundation, intertwining artistic practice with historical contexts, to envisage possibilities of an after.