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Paris

This is Utopia, to Some

English version below

Avec Steffani Jemison & Justin Hicks, Isaac Kariuki & Tamar Clarke-Brown, Chloé Quenum, Martine Syms

Co-commissaire :  Elise Atangana

Vernissage : samedi 10 mars 2018, de 17h à 20h
Performance d’Isaac Kariuki : 17h30 et 19h30

Dates d’exposition : 11 mars – 13 mai 2018

L’exposition This is Utopia, to Some[1] conçue en collaboration avec la commissaire Elise Atangana, rend visible des récits représentant une multiplicité de subjectivités et d’identités qui coexistent et interagissent. La distinction entre des pratiques reconnues par le musée et, « la culture comme expression de la vie quotidienne, qui, de fait, est dénigrée et rabaissée au rang de produit de la culture de masse »[2], autrement dit entre la culture dite savante et la culture populaire, est dépassée. Dès lors, la définition de l’art devrait inclure les gestes et les pratiques d’artistes qui créent leurs propres plateformes éditoriales et conçoivent des modèles autonomes de l’art contemporain, comme autant d’outils de visibilité. Ils interviennent à l’intersection du langage privé et de la sphère de la communication, et modifient leur rapport au public. De nouveaux rituels de réappropriation, de traduction, de partage d’expériences personnelles et collectives engendrent une circulation des images entretenant les liens entre passé, présent et futur. Les participants à cette exposition se réfèrent à des savoirs spécifiques, appliqués à différents domaines (graphisme, mode, musique et littérature), comme autant de formes de résistance qui forcent l’imaginaire politique.

Ces savoirs spécifiques sont hérités, et impliquent la notion de propriété. Ils ne sont pas publics, ils sont possédés. La question des sources et de la responsabilité envers ces savoirs et récits requiert une attention particulière dès lors que s’opère une traduction.
La série Les Allégories de Chloé Quenum apparaît comme une abstraction formelle. Cet ensemble provient de ses recherches menées en Afrique de l’Ouest (Bénin et Togo) sur les notions d’origine et de transmission à travers le support textile. Les systèmes et compositions graphiques des tissus wax répondent à des codes spécifiques qui forment une écriture que l’artiste a transposé en motif de plomb sur du verre cathédral. Traversées par la lumière et soumises aux vibrations du verre, ces représentations, déplacent la lecture de ces motifs de leur contexte d’origine.

Ces œuvres font écho à la manière dont Steffani Jemison envisage la notion d’expérience, à la fois dans ses dimensions esthétique, extatique et intellectuelle. Power listening (Power power power power) résulte d’une collaboration entre Steffani Jemison et Justin Hicks à Brooklyn avec des habitants de logements sociaux, pendant l’été 2017. Une séance d’écoute a permis la retranscription collective d’une pièce audio sur papier. De cette expérience, Steffani Jemison a conçu un dessin sur du velours intitulé Power listening (How would we ever get over / over), une manière d’explorer la corrélation entre dessin et écriture.

La dimension collaborative est au cœur de Cbt (coding : braiding : transmission). C’est à la fois une performance et une vidéo conçue par Isaac Kariuki avec Tamar Clarke-Brown, dans laquelle les gestes et l’action de tresser génèrent un code informatique. L’emploi de caméras GoPro et du logiciel de détection de mouvement, fait référence pour Isaac Kariuki aux formes contemporaines de maintien de l’ordre qui utilisent la technologie pour identifier les individus. « La surveillance n’a rien de nouveau pour les Noirs »[3]. La performance fait le lien entre la reconnaissance des corps noirs dans l’espace public occidental et la tradition du tressage des cheveux qui s’est répandue avec la diaspora africaine.

 

Enfin, la production des images est liée à la construction de l’identité, comme le montre la pratique de Martine Syms. En 2012, elle a conçu la plate-forme éditoriale Dominica Publishing dédiée à définir la notion de blackness comme un sujet, une référence, un marqueur et un public de la culture visuelle. L’installation vidéo SHE MAD: Laughing Gas fait référence à la sitcom comme forme, à l’omniprésence des écrans, des réseaux sociaux et des téléphones portables qui composent la toile de fond de notre quotidien. La vidéo s’inspire du court-métrage muet Laughing Gas (1907) d’Edwin Porter, dans lequel joue l’actrice afro-américaine Bertha Regustus première femme noire dans un rôle principale au cinéma. Syms y voit ” un exemple précoce de représentation de femmes noires affichant une forme de subjectivité”. Par ses références, Martine Syms ancre l’œuvre dans une dynamique historique qui pose notamment la question du devenir de l’afro-féminisme.

 

C’est une utopie, pour certains (This is Utopia, to Some) souligne la complexité des identités tout en montrant leur continuité. Dans cette perspective, la projection d’un futur hypothétique par les artistes s’appuie sur des pratiques vernaculaires, et explore dans le même geste des histoires spécifiques, leurs modes d’existence et leurs réappropriations, pour contrebalancer les représentations qui encadrent notre quotidien.

[1] Ce titre s’inspire d’une nouvelle récemment écrite par Martine Syms, Solitude publiée par Triple Canopy https://www.canopycanopycanopy.com/contents/solitude/#three-one

 

[2] Kobena Mercer, « Le black art et le fardeau de la représentation », (1990), in Art et mondialisation, édité par Sophie Orlando sous la direction de Catherine Grenier, ed. Centre Pompidou, Paris, 2013, p. 115.

 

[3] Simone Brown, Dark Matters: On the Surveillance of Blackness, DukeUniversity Press Books, 2015.  Source citée par l’artiste.

With Steffani Jemison & Justin Hicks, Isaac Kariuki & Tamar Clarke-Brown, Chloé Quenum, Martine Syms
Co-curated with Elise Atangana
Opening reception on Saturday, March 10, 2018, from 5 to 8 pm
Performance by Isaac Kariuki & Tamar Clarke-Brown at 5.30 and 7:30 pm

The exhibition This is Utopia, to Some1 conceived in collaboration with curator Elise Atangana, rearticulates visual narratives revealing a multiplicity of subjectivities and hybrid identities that coexist and interact. The distinction between what is legitimated by the museum display and “ the culture of everyday life, which was thus de-valued as the denigrated product of mass-culture or as the de-valorised folk-culture of the urban masses”2, in other words, the distinction between high and low culture – has been rendered obsolete. Instead, the definition of art should include the practices of artists who create their own editorial platforms, generate autonomous models outside the art world, as tools of visibility. They intervene at the intersection of private language and public communication and modify the relations between artist and audience. New rituals of re-appropriation, translation, and sharing of personal and collective experiences fuel the circulation of images, maintaining links between the past, present and future. By referring to specific sources as a form of resistance, transposed, translated into different fields (from graphic design and fashion, to music and literature) the participants of this exhibition generate formal languages that stimulate political imagination.
Cultural inheritance generates specific knowledge and implies ownership. It is not public, it is privately owned. The question of sources and of the responsibility toward histories requires special care during translation. Chloé Quenum’s series of Allegories appears as a formal abstraction. This series comes from her research in West Africa (Benin and Togo) on notions of origin and transmission through fabrics. The systems and graphic compositions on wax fabrics have specific meanings. The artist transposed these representations onto cathedral glass. Light reflection and glass vibration displace the reading of these patterns from their original context.
This echoes Steffani Jemison’s way of looking at how an experience can be at once aesthetic, ecstatic and intellectual.
Power listening (Power power power power) results from a collaboration between Steffani Jemison and Justin Hicks with the inhabitants of a housing project in Brooklyn during Summer 2017. During the workshops, a listening session led to a collective transcript of an audio piece onto paper. From that experiment, Steffani Jemison produced a large drawing on velvet entitled Power listening (How would we ever get over / over), to explore the correlation between drawing and writing.
Cbt (coding : braiding : transmission) is a collaborative performance and video installation conceived by Isaac Kariuki with artist and writer Tamar Clarke-Brown, in which braiding textures and gestures are translated into coding language. Using GoPro cameras and movement detection software, Isaac Kariuki echoes contemporary forms of policing that use technology to identify individuals. “Surveillance is nothing new for black folks”3 . This work is to consider in relation to the recognition of Black bodies in the Western public space, whilst hair braiding is part of a historical and cultural tradition that has spread throughout the African Diaspora.
Martine Syms’ practice explores how, in our highly mediated digital age, the production of images is linked to the production of identity. In 2012 she conceived the editorial platform Dominica Publishing, an imprint that is “dedicated to exploring blackness as a topic, reference, and marker, and audience in visual culture. SHE MAD: Laughing Gas, Syms’ 2016 video installation, couples the form of the sitcom with omnipresent social media and phone screens as our quotidian backdrops. Syms’s Laughing Gas uses Edwin Porter’s 1907 silent film of the same title as a starting point for constructing a history of representation that extends into the present. Starring African American actress Bertha Regustus, the original film is, “an early example of black women having a kind of subjectivity,” says Martine Syms.
This is Utopia, to Some underlines the complexity of identities while showing their continuity. In that sense, the projection of a hypothetical future by the artists could be presented as mutiple vernacular practices, which explore their own histories, modes of existence and re-appropriation, to counterbalance the representations framing our everyday life.

[1] The title is inspired by arecent novel Solitude written by Martine Syms, published by Triple Canopy: https://www.canopycanopycanopy.com/contents/solitude/#three-one
https://www.canopycanopycanopy.com/contents/solitude/#three-one
[2] Kobena Mercer, “Black Art and the Burden of Representation”, in Third Text, vo. 4, n°10, 1990.
[3] Simone Brown, Dark Matters: On the Surveillance of Blackness Duke University Press Books, 2015, quoted by the artist.